Lettre d'info du centre des Maladies Neuromusculaires N°4

Voici une sélection d'articles du Dr Lacour, neurologue du centre de référence des maladies neuromusculaires, parus dans la littérature médicale ces deux derniers mois concernant les maladies neuromusculaires. Bonne lecture !


Newsletter Janvier 2013.

Best of 2012 : neuropathies héréditaires.
Voici une sélection de 5 publications de 2012 concernant les neuropathies héréditaires.

Le handicap auditif est fréquent chez les enfants atteints de Charcot-Marie-Tooth, d'après Gary Rance, Monique M. Ryan, Kristen Bayliss, Kathryn Gill, Caitlin O'Sullivan and Marny Whitechurch Auditory function in children with Charcot–Marie–Tooth disease, Brain 2012: 135; 1412–1422.

La maladie de Charcot-Marie-Tooth est une neuropathie héréditaire dont la principale manifestation est une atteinte sensitive et motrice distale des membres. D'autres signes d'accompagnement sont possibles, dont l'hypoacousie, décrite de longue date mais de façon sporadique. Cette étude australienne a examiné la fonction auditive et le handicap associé chez 26 enfants de 4 à19 ans atteints de CMT axonaux ou démyélinisants et comparé leurs résultats à 26 témoins. Il faut d'emblée noter que ces 26 enfants avaient une audiométrie tonale normale ou quasi-normale (test couramment pratiqué pour détecter la surdité). Ce travail a montré que la résolution temporelle auditive (capacité à détecter une modulation du signal sonore) et la compréhension du discours étaient diminué chez une grande partie des enfants CMT (61% des enfants CMT1 et 86% des enfants CMT2 pour le test de compréhension), et ce d'autant plus que le bruit ambiant est fort. Ces difficultés auditives sont donc primordiales à détecter chez ces enfants en âge scolaire, et sans doute faut-il aller plus loin que les test conseillés (en néonatal, à 4 mois, 9 mois, 24 mois) qui font simplement appel à la réaction de l'enfant au bruit, voire à l'audiométrie, ici prise en défaut. Enfin, une étude similaire serait sans doute intéressante à mener chez l'adulte.

CMT4C : un phénotype particulier. D'après Marion Yger, Tanya Stojkovic, Sandrine Tardieu, Thierry Maisonobe, Alexis Brice, Andoni Echaniz-Laguna, Yves Alembik, Samantha Girard, Cecile Cazeneuve, Eric LeGuern, and Odile Dubourg Characteristics of clinical and electrophysiological pattern of Charcot-Marie-Tooth 4C. Journal of the Peripheral Nervous System 17:112–122 (2012).

Le CMT4C est une forme autosomique récessive démyélinisante de maladie de Charcot-Marie-Tooth liée à des mutations sur le gène SH3TC2. L'équipe parisienne décrit le phénotype clinique de 14 patients et dégage 3 caractéristiques particulières :
- la grande fréquence de la scoliose (12/14 patients), inaugurale chez la moitié des cas
- l'atteinte motrice proximale, en pelvien mais aussi en scapulaire avec 3 patients présentant un décollement d'omoplates bilatéral
- l'atteinte des nerfs crâniens chez 10 patinets, au premier rang desquels le nerf vestibulaire.
Par ailleurs, les caractéristiques EMG sont également inhabituelles pour le CMT car les patients présentaient des aspects de blocs de conduction et/ou de dispersions temporelles.
Ces données cliniques et EMG peuvent faire errer le diagnostic vers le cadre des neuropathies inflammatoires démyélinisantes à début précoce. Dans ces cas difficiles, il convient donc d'évoquer cette forme de CMT.

Neuropathies amyloïdes familiales : premiers résultats des registres.
D'après
-David Adams, Pierre Lozeron, Marie Theaudin et al. Regional difference and similarity of familial amyloidosis with polyneuropathy in France. Amyloid, 2012; 19(S1): 61–64
- Teresa Coelho, Mathew S. Maurer, Ole B. Suhr. THAOS – The Transthyretin Amyloidosis Outcomes Survey: initial report on clinical manifestations in patients with hereditary and wild-type transthyretin amyloidosisCurrent Medical Research & Opinion Vol. 29, No. 1, 2013, 63–76.

Les neuropathies amyloïdes familiales (NAF) sont des neuropathies héréditaires rares et sévères liées à un dépôt amyloïde constitué d'une protéine mutée ayant changé de conformation et pouvant s'agréger en feuillets béta plissés. La protéine source la plus fréquente est la transthyrétine (TTR), protéine de transport de la thyroxine et du RBP. La meilleure connaissance de cette NAF-TTR passe par la collection de données des patients au sein de registres. Deux bases de données sont actives : le registre français sous l'égide du réseau CORNAMYL et le registre mondial. Les premières données de ces 2 registres sont publiées dans ces 2 papiers (60 patients pour l'étude française et plus de 600 patients pour le registre mondial). A l'avenir, ces bases de données permettront de mieux décrire l'évolution des NAF-TTR sans ou avec traitements.

Doxy-TUDCA : résultats d'une phase II dans la NAF-TTR. D'après Laura Obici, Andrea Cortese, Alessandro Lozza et al. Doxycycline plus tauroursodeoxycholic acid for transthyretin amyloidosis: a phase II study. Amyloid, 2012; 19(S1): 34–36.
L'association doxycycline (100 mgX2/j) et acide taurourodeoxycholique (250 mg X 3/j) a été testée chez 20 patients présentant une neuropathie amyloïde dont 17 NAF-TTR sur 12 mois. Malheureusement, seuls 6 patients ont terminé l'étude à 12 mois, en partie du fait d'une mauvaise tolérance du Doxy-TUDCA (2 arrêts précoces dans les 2 premiers mois notamment). Néanmoins, les résultats des 6 patients analysés sont relativement encourageants : concernant la neuropathie, 4 patients sont restés stables (score NIS-LL), 1 patient s'est amélioré et un patient s'est aggravé. Les données cardiaques sont également restées relativement stables. Ces résultats sont bien sûr à analyser avec précaution du fait du faible effectif. Cependant, il semble interessant de les confirmer sur une étude de phase III.

Enfin, signalons que les résultats du diflunisal dans les NAF-TTR dans une étude de phase III sont encore en attente et devraient prochainement être disponibles